Discours prononcé par Louis Rwagasorepour l’ouverture de la Copico(Coopérative indigène de consommation)

Usumbura, jeudi 4 septembre 1958

Le temps est là où, ici comme ailleurs, ces pauvres gens qui grouillent
sur nos collines ne peuvent plus accepter d’être volés sans pouvoir se
défendre parce que leur seul malheur est d’être encore ignorants.
Nous ne pouvons rester longtemps indifférents devant tant d’injustices,
tant de misère, tant de malhonnêteté et de cupidité. C’est pourquoi tous
dans ce pays – ceux qui croient du moins à sa réussite et les généreux – se
donneront la main pour combattre sans pitié ceux venant de l’extérieur
comme ceux venant de l’intérieur qui, par leur façon de faire et leur
conception de vie, croient maintenir longtemps encore notre population
sous un joug social injuste et pénible, qui tue les hommes et paralyse
toute la vie économique d’abord, sociale et culturelle d’une nation – que
ce soit la vache, la propriété ou le produit des caféiers. Nous devons
pouvoir donner à chacun ce qui lui revient et à la société lui apprendre
les moyens de se faire une vie digne et honnête.
En conséquence, les coopératives se multiplieront et croîtront pour
le bien de tous, ici, dans ce pays encore pauvre. Qu’importe dès lors les
cris d’angoisse, des feuilles de papiers aussi inutiles qu’arides; qu’importe
l’indignation de tous ceux qui pour des raisons d’intérêt propre cherchent
à étouffer nos mouvements; ce qui importe pour nous c’est de poursuivre
sans relâche la tâche difficile que nous nous sommes assignée afin de
donner à nous-mêmes et à notre pays des raisons d’espérer!
Il vaut mieux donc pour nous tous que ce pays réussisse avec ceux
qui l’aiment que sans nous … Car la colère est l’ennemie de la raison.
De grâce, ne rendons point un jour ce peuple irraisonnable!
Pour le reste je souhaite courage et bonheur à ceux qui ont pour tâche
journalière de faire réussir cette coopérative indigène de consommation;
je souhaite également à ses membres d’en faire profiter les autres; j’espère
enfin qu’elle collaborera avec cette autre coopérative dite des Commerçants
du Burundi.

Je profite de cette occasion pour redire ma conviction: elle doit réussir
elle aussi, parce que c’est dans l’intérêt de ses membres et du pays. Elle
réussira parce qu’aucun franc qu’on lui a confié ne sera à jamais perdu
et parce qu’aucun membre ne peut être lésé. Ce que nous n’avons pas
pu réussir la première année, nous le réussirons peut-être la deuxième,
et s’il fallait pour le réussir recommencer cinq fois, nous recommencerons!
Voilà, Monsieur le Résident, Monsieur le Résident-Adjoint, Monsieur
le Président de l’Assemblée générale, Messieurs, en peu de mots la raison
qui nous réunit ce soir – c’est la raison d’avenir et de l’espérance – c’est
la raison des hommes de bonne volonté, droits et courageux, des hommes
qui veulent construire leur bonheur en faisant celui des autres, des
hommes qui essayent de relever tout un peuple, non en lui imposant
ce qu’il veut et ce dont [il al besoin, mais en s’informant auprès de lui
de ce qu’il manque, de ce à quoi il aspire.
Sans doute à ce peuple aussi nous devons lui demander en échange
de la sincérité, de l’honnêteté, de la ténacité, de l’effort et de la sérénité;
ainsi seulement nous pourrons aborder l’avenir avec certitude et sans
peur, car c’est en réalité pour cet avenir que nous travaillons, luttons
et espérons. »

Sources: https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/2022-07/010057588.pdf

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